Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
FACULTÉ DE MÉDECINE D'ORAN CENTRE HOSPITALO-UNIVERSITAIRE  SERVICE DE MÉDECINE LÉGALE

Intoxication arsenicale

28 Juin 2013 , Rédigé par Med Leg CHUOran Publié dans #toxicologie médico-légale

  • Introduction

L’arsenic est un élément chimique semi-métallique de la famille des pnictogènes, de symbole As et de numéro atomique 33, présentant des propriétés intermédiaires entre celles des métaux et des non-métaux.

Son nom vient du latin arsenicum, tiré du grec arsenikon (« qui dompte le mâle ») en raison de sa forte toxicité. Le prénom Arsène est tiré de la même racine grecque arsen (« mâle »).

 

Les propriétés toxiques des composés arsenicaux sont connues depuis la plus haute antiquité. Galien et Celse ont décrit des accidents internes et externes, imputables à l'usage de l'orpiment comme épilatoire ou comme caustique cutané.

Toxique facile à manier, difficile à mettre en cause, car inodore et insipide, l'arsenic fut, jusqu'au milieu du XIXème siècle, l'arme favorite des empoisonneurs; 90 % des cas d’empoisonnements criminels étaient alors exécutés avec des arsenicaux, dont le langage populaire avait fait "le Poison" ou "la Poudre de Succession".

Des affaires célèbres ont défrayé la chronique en leur temps: les Borgia, la marquise de Brinvilliers, l'affaire "des Poisons", l'affaire Lafarge, et plus près de nous, l'affaire Marie Besnard.

Napoléon fut probablement victime d'une intoxication arsenicale.

Le procès Lafarge, en 1840, reste une date capitale dans l'histoire de l'arsenic; l'appareil de Marsh fut découvert en 1836 et Orfila mit au point par ses travaux, en 1839, les conditions techniques de son emploi correct en toxicologie. A la fois médecin, chimiste français et expert commis par le tribunal de l'époque au dernier moment, il mit le poison en évidence dans le corps de la victime, à une dose certainement mortelle et expliqua aux jurés en raison de quelles insuffisances techniques les recherches antérieures avaient été négatives. La publicité donnée à ces méthodes par l'affaire Lafarge ne laissa pas place au doute dans l'esprit des criminels éventuels; nous possédions désormais les moyens de mettre en évidence l'arsenic avec facilité, dans le corps de leurs victimes; la "Poudre de Succession" subissant une perte de prestige considérable, les empoisonnements à l'arsenic devinrent plus rares.

Par contre, les intoxications accidentelles restèrent aussi fréquentes, donnant parfois lieu à de véritables catastrophes frappant toute une collectivité. Ne citons que le cas des bières de Manchester.

Le recours de plus en plus fréquent aux arsenicaux en thérapeutique, l'essor de l'industrie chimique, l'utilisation largement répandue des dérivés de l'arsenic en agriculture vont bientôt faire de ces intoxications accidentelles l'une des préoccupations majeures des toxicologues et des hygiénistes. Désormais, l'ouvrier est dangereusement exposé à l'intoxication, dans les différentes phases des manipulations industrielles, l'agriculteur court des risques analogues, les denrées doivent être surveillées, les erreurs tragiques évitées. Tous ces faits justifient l'emploi du mot "arsénicisme", l'inscription des intoxications arsenicales sur la liste des maladies professionnelles, et la législation préventive qui s'édifie et se complète d'année en année. Parallèlement à ces soucis de prévention, des espérances d'ordre thérapeutique sont au premier plan de l'actualité dans les années trente; la nécessité de trouver une parade à l'usage éventuel de l'arsenic dans une attaque surprise aérochimique, que l'on pensait presque inéluctable, a abouti en Angleterre, en pleine guerre, à la découverte du B A L, antidote gardé soigneusement secret pendant toute la durée du conflit. Ce produit a constitué, dès sa divulgation, un très grand progrès dans la thérapeutique de certaines intoxications minérales, et il n'est déjà plus que le premier représentant de toute une série d'agents chimiothérapiques " donneurs de thiols".

Depuis, la prise de conscience de la toxicité arsenicale et la mise au point de nouveaux procédés ont permis dans bon nombre de cas, son remplacement par des molécules moins toxiques, notamment en agriculture. Les thérapeutiques anciennes arsenicales ont également été abandonnées en France; cependant, actuellement, un regain d'intérêt de l'arsenic comme agent thérapeutique en oncologie est à noter.

De plus, les méthodes de dosage chimiques, telles que la méthode de Cribier, dérivée de celle de Marsch, ont laissé la place à des méthodes physiques, donnant des résultats plus précis.

  • Historique

 l'âge du Bronze ancien, les archéologues constatent que le bronze est souvent composé d'un alliage à base de cuivre et d'arsenic, nommant cette période l'âge du Bronze-Arsenic : employé comme durcissant et pour augmenter la brillance du métal, cet arsenic est une impureté naturelle contaminant le minerai de cuivre ou est ajouté intentionnellement comme adjuvant. Au Bronze final se substitue à ce bronze arsenié (en) un alliage cuivre-étain permettant de fabriquer des métaux plus résistants et ductiles (âge du Bronze-Étain)[].

Durant l'Antiquité, l'arsenic est toujours utilisé pour la métallurgie (durcissant de nombreux métaux) mais aussi dans les arts (pigments, peinture) et la médecine sous deux formes inorganiques à l'état naturel, du trisulfure d'arsenic (l'orpiment As2S3) et du quadrisulfure d'arsenic (réalgar As4S4). Hippocrate les utilise au Ve siècle av. J.-C. pour soigner les ulcères cutanés. Depuis lors, la pharmacopée grecque et chinoise s'en sert pour traiter la syphilis, le cancer, la tuberculose ou le paludisme[].

Au VIIIe siècle, l'alchimiste arabe Jabir Ibn Hayyan est probablement le premier à préparer le trioxyde d'arsenic en l'isolant de son composé minéral : cette poudre blanche sans goût et sans odeur la rendra indécelable jusqu'au XXe siècle car elle donne les mêmes symptômes que des intoxications alimentaires, ce qui lui confère le titre de « poison des rois et roi des poisons ».

On attribue à Albertus Magnus d'être le premier à avoir isolé l'élément arsenic en 1250.

Le liquide fumant de Cadet (composé As2(CH3)4O préparé en 1760 par le chimiste Louis Claude Cadet de Gassicourt) est le premier composé organométallique à avoir été synthétisé par l'homme[].

Le vert de Scheele à base d'arséniate de cuivre, inventé par Carl Wilhelm Scheele en 1775, remplace comme pigment vert le carbonate de cuivre. Pigment de peinture, il colore les papiers peints, les jouets d'enfants puis est remplacé par le vert de Schweinfurt tout aussi toxique.

La liqueur de Fowler à base d'arsénite de potassium découverte en 1786 par Thomas Fowler est utilisée comme remède et tonique pendant plus de 150 ans.

Les composés à base d'arsenic sont utilisés dans les teintures (oxyde d'arsenic jouant le rôle de mordant, pigments de réalgar ou d'orpiment, leur toxicité étant à l'origine — qui se révèle fausse en fait — de la couleur verte proscrite au théâtre)[ puis à partir de 1740 dans les traitements des semences à l'arsenic (tel le vert de Paris utilisé comme insecticide ou raticide) mais sa toxicité entraîne son interdiction dans cette industrie en 1808.

En 1908, Paul Ehrlich met au point un composé arsenical, le Salvarsan, considéré comme le premier agent anti-infectieux et chimiothérapeutique.

Les arsines sont employées comme arme chimique durant la Première Guerre mondiale, notamment celles chargées dans des obus à « croix bleue ».

Les peintures anciennes exposées à la lumière dans les musées et qui utilisent des pigments contenant de l'arsenic, tel l'orpiment, voient ce composé photo-oxydé en anhydride sulfureux qui rend la peinture cassante et en trioxyde d'arsenic (employé jadis comme mort aux rats, ce composé n'est pas libéré en quantité suffisante pour être dangereux pour l'homme) qui donne à la toile une teinte blanchâtre, d'où la nécessité de poser des filtres sur les fenêtres des salles des musées actuels[].

 

  • Propriétés de l’arsenic

 

  • Propriétés chimiques

L’arsenic est chimiquement très similaire au phosphore qui le précède dans la même famille. On dit qu'il est son « analogue chimique »

Arsenic natif

 

  • Les composés arsénicaux

Ils dérivent notamment de l'acide arsénique (H3AsO4) et des trois ions (acidité faible) : ion dihydrogénoarséniate (H2AsO4), ion hydrogénoarséniate (HAsO42-), ion arséniate (AsO43-).
Les composés arsénicaux (organiques ou non organiques) sont des molécules surtout utilisées (ou autrefois utilisées car beaucoup sont maintenant interdites) comme
biocides (fongicide, herbicide, insecticide, poisons raticides...) ou qui ont été utilisées comme gaz de combat dans les armes chimiques développées durant la Première Guerre mondiale.

Oxydes, sels et composés inorganiques

  • Le trihydrure d'arsenic, arsénure d'hydrogène ou arsine, de formule AsH3, est une substance se vaporisant en un gaz incolore, d’odeur alliacée nauséabonde, très toxique qui a été utilisé comme gaz de combat, notamment lors de la Première Guerre mondiale.
  • Le trioxyde d'arsenic, anhydride arsénieux, ou encore « arsenic blanc », improprement appelé arsenic, de formule As2O3, est un poison violent. Il est néanmoins utilisé (pour sa toxicité) en injection à très faibles doses comme médicament anticancéreux[ pour une forme de leucémie quand elle ne répond pas aux autres produits utilisés pour la chimiothérapie, avec des effets secondaires incluant l’arythmie cardiaque, voire l’arrêt cardiaque entraînant la mort.
    Il est utilisé pour la fabrication de verre ou de cristal, quand il n’a pas été remplacé par le trioxyde d’antimoine, également toxique, mais non soumis à la
    directive Seveso.
  • Des sels trivalents (formes variées d’arsénites, dérivées du trioxyde d'arsenic en solution aqueuse), et pentavalents (arséniates, dérivés du pentoxyde d'arsenic en solution aqueuse), sont produits à base de trioxyde d'arsenic, d'acétoarsénite de cuivre (« Vert de paris », Paris Green), d'arséniate de plomb, ou d'arséniate de calcium.

 

 

 

  1. Composés organiques

Aux doses normalement employées, ils sont moins toxiques pour les animaux à sang chaud, mais ils contiennent néanmoins de l'arsenic non dégradable.
Ils ont remplacé les sels d'arsenic trop dangereux pour l'homme et les animaux domestiques
[2 et souvent maintenant interdits (sauf exceptions dans certains pays comme les États-Unis, durant un certain temps, comme les produits arséniés de traitement du bois, l’arséniate de plomb comme régulateur de croissance pour le raisin, ou l'arséniate de calcium pour les gazons de golfs qui ont été autorisés par l'EPA aux États-Unis après que les autres arsénicaux non-organiques eurent été interdits). On les trouve notamment dans certains herbicides très utilisés sur les golfs nord-américains ou pour le défanage du coton avant récolte.

Ce sont notamment des sels produits à partir de :

Des composés arsénicaux inorganiques interdit en Europe ou aux États-Unis peuvent encore être utilisés comme pesticides dans certains pays, et ils ont de nombreux autres usages dans le monde entier[22].

En France, durant la Première Guerre mondiale, en 1916, alors même qu'ils sont utilisés dans les armes chimiques ; pour éviter que ces produits soient utilisés comme poison contre des humains, un décret précise que « Article ler : les composés arsenicaux insolubles destinés à la destruction des parasites de l’agriculture ne peuvent être vendus ni employés en nature. Ils doivent être mélangés avec une substance odorante et colorée en vert, suivant la formule indiquée à l’article ter de l’article ci-après » (décret du 15 décembre 1916).
« Les composés arsenicaux destinés à la destruction des parasites nuisibles à l’agriculture ne peuvent être délivrés ou employés pour cet usage qu’à l’état de mélange avec des dénaturants d’après la formule suivante • produits arsenicaux insolubles 1000g • pyridine ou phénol brut ou nitrobenzine : 20g • vert sulfoconjugué : 2g », mélange devant être tout à fait homogène. De plus, pour limiter les risques de détournement, le gouvernement impose que tout commerce de préparations arsenicales doit « avoir un registre coté et paraphé par le Maire ou le Commissaire de police. Toute préparation arsenicale doit être inscrite sur ledit registre »[].

  • Durant la Seconde Guerre mondiale (octobre 1943), la réglementation s'intéresse à l’arsenic dans les raticides et taupicides, dans lesquels l'arsenic sera peu à peu remplacé par des anticoagulants, de la strychnine, des anti-vitamines K ou des sels de thallium en mélange avec divers ingrédients.
  • En 1973, un décret interdit en France tous les herbicides arsenicaux, mais ils restent très utilisés aux États-Unis.
  • Toxicologie

La toxicité de l’arsenic[] dépend de sa nature chimique : l'arsenic inorganique est plus toxique que l'« arsenic organique ». Elle dépend de son degré d’oxydation : As(O) > As(III) > As(V)[].

L’arsenic a trois effets majeurs au niveau biochimique :

  • Il découple la « chaîne respiratoire » en se substituant au phosphore (dans le phosphate, dans la réaction de formation de l’ATP).
  • Les protéines coagulent quand la concentration en arsenic inorganique est forte : réaction arsenic/liens sulfures ou réaction arsenic/site actif.
  • L’arsenic se complexe avec les groupes sulfhydryles des enzymes.

L'arsenic sous forme pure, méthylée ou de composé minéral est dangereux même à faible dose, surtout en cas d’exposition répétée.

Dans le cas d’une intoxication aiguë, les symptômes sont immédiats, avec comme signes caractéristiques des vomissements, des douleurs œsophagiennes et abdominales et des diarrhées sanguinolentes qui ressemblent au choléra, pouvant entraîner collapsus et mort.

L’arsénicisme[], exposition chronique à l'arsenic à de petites doses (dans une eau de boisson polluée par exemple[]) se traduit par des symptômes comme la mélanodermie, l'hyperkératose des mains et des pieds, l'alopécie et une polynévrite douloureuse, la striure des ongles.
Il est un facteur de risque de :

Après une exposition prolongée à l’arsenic, les premières modifications concernent généralement la peau de par un changement de la pigmentation. Le cancer survient plus tardivement et peut mettre plus de 10 ans à apparaître. L’absorption d’arsenic par la peau ne présente pas de risque pour la santé[31].

L’arsenic est souvent employé comme poison, d’où le titre Arsenic et vieilles dentelles. Certains chercheurs supposent que Napoléon Ier aurait été empoisonné à l’arsenic, en raison de la forte concentration en arsenic dans ses cheveux (l'arsenic tend à s'accumuler dans cette partie du corps), cependant, l'arsenic était aussi utilisé à cette époque comme agent de conservation, d'où les doutes à propos de cet empoisonnement ; diverses affaires judiciaires ont été liées à l'empoisonnement à l'arsenic, notamment l'affaire Marie Lafarge et l'affaire Marie Besnard.

L’arsenic est dit organique quand il est chimiquement lié au carbone ou à l'hydrogène, inorganique quand il est lié à l’oxygène, au chlore ou au soufre. Exemple de l'adage de Paracelse sur les poisons, l’arsenic organique est aussi un ultra oligo-élément essentiel pour l’être humain, le poulet, la chèvre, le porc et quelques autres espèces. Les besoins pour l’homme ont été évalués entre 10 et 20 µg par jour, ils sont largement couverts par l’alimentation.

  • Utilisation:
  • L’arsenic a été testé ou utilisé dans certains médicaments depuis l’Antiquité (voir par exemple solution de Fowler, à base d’arsénite).
  • L’arsenic est l'agent de l’arsenicage, immersion des cuirs et peaux dans une solution d'arséniate de soude pour éliminer les parasites (dermertes, anthrènes) : ces peaux arseniquées n'empêchent pas la prolifération de bactéries de putréfaction.
  • Au XVIIe siècle, l'arsenic va être utilisé sous le nom de « poudre de succession » par un réseau composé essentiellement de femmes de la noblesse dans le but d'accélérer certains héritages par des meurtres.
  • Il a été utilisé pour augmenter la toxicité de certaines armes chimiques, sous forme d’arsine notamment, dès la Première Guerre mondiale.
  • Sous forme d’arséniate de plomb notamment, il a été utilisé comme pesticide, qui a été une source fréquente d’empoisonnement des utilisateurs ou de consommateurs de produits traités. Il continue à polluer l’environnement longtemps après son utilisation, le plomb et l’arsenic n’étant pas biodégradables ni dégradables à échelle humaine de temps.
  • L’arsenic sert d’additif au mélange plomb-antimoine des électrodes des accumulateurs.
  • Il sert d’additif (durcisseur) au plomb des cartouches de chasse ou des munitions de guerre (il freine aussi la formation d’oxyde de plomb). Sous forme d’arsine il a été présent dans certaines munitions chimiques de la Première Guerre mondiale et des années qui ont suivi (fabriquées, non utilisées puis démantelées ou jetées en mer).
  • Mélangé avec du cuivre et du chrome (CCA) c’est un produit de traitement du bois (qui lui donne une couleur verdâtre). Bien que controversé en raison de sa toxicité, de sa rémanence et du fait qu’il soit partiellement soluble dans l’eau et les pluies, ce traitement reste autorisé dans la plupart des pays.
  • Il est depuis peu utilisé sur les « tambours » des imprimantes dites « lasers » et des photocopieuses, fax. Pur ou sous forme de séléniure, sa sensibilité à la lumière permet de décharger la tension électrostatique qui va retenir le « toner ».
  • Les alliages composés d’arsenic et de gallium (GaAs) ou d’indium (InAs) donnent des matériaux semi-conducteurs (dits III-V par référence aux colonnes de la table des éléments), utilisés pour la fabrication de cellules photovoltaïques, de diodes électroluminescentes (DEL) et de transistors à très haute fréquence.

Plus chers et de mise en œuvre plus complexe que le silicium, leur marché reste marginal, mais leur rôle est essentiel en opto-électronique, où les performances du silicium sont moins bonnes.

  • Les insecticides anti-fourmis contiennent généralement un produit à base d’arsenic : le dimethylarsinate de sodium.
  • La roxarsone est un composé organo-arsenié utilisé afin de contrôler les maladies causées par les coccidies et les troubles de croissance des porcs et volailles.

 

  • Etude clinique de l’intoxication à l’arsenic

A- Voies de pénétration et physiopathologie

1- Voies de pénétration

- L’intoxication de fait surtout par voie digestive (crime, suicide, méprise).

- La pénétration par voie cutanée n’est possible qu’en cas d’excoriation préexistante.

- La pénétration par voie respiratoire n’intéresse que les professionnels.

2- Physiopathologie

- A doses toxiques, l’arsenic irrite le tube digestif ; il trouble la nutrition des tissus ; c’est aussi un poison du système nerveux.

- Le poison est résorbé au niveau de l’intestin grêle ; il se fixe en partie sur le foie à l’état de combinaison organique tres fixe.

- La répartition et la localisation du poison dépendent du genre d’intoxication ; dans l’empoisonnement aigu, l’arsenic se retrouve surtout dans le tube digestif, la rate, le foie, les reins ; dans la forme lente, il se fixe sur le cerveau, les phanères (les cheveux en contiennent normalement 0.05 à 0.5 pour 100g), les os spongieux, les muscles ; tant que la dose toxique n’est pas atteinte, on n’en retrouve pas dans le cerveau. Apres une injection intraveineuse, le poison se localise principalement dans le foie et les reins.

- L’élimination du toxique se fait par les vomissements et les fèces, les urines, les phanères et la peau. Pour les composés minéraux, elle est assez lente (15 à 40 jours) ; les vomissements et les selles peuvent éliminer la plus grande partie du poison au moment de l’ingestion. L’élimination des composés organiques, introduits par la voie veineuse, serait réalisée en 48 heures. Elle est plus lente si la voie intramusculaire ou sous-cutanée a été employée.

- La prédisposition aux accidents se rencontre chez certains sujets réceptifs et chez les alcooliques. Les accidents d’intolérance (crises nitritoides) ou de biotropisme sont propres aux composés arsenicaux organiques du type arsénobenzol.

- Localement, l’anhydride arsénieux occasionne des lésions ulcéreuses sur la peau et les muscles.

- L’action générale de l’arsenic est celle d’un poison cellulaire qui bloque les groupes thiols des enzymes et des protides, fixés sur un radial R : c’est un « corps thioloprive »

B- Formes clinique

  1. Forme suraiguë (choléra arsenical)

Revêt l’aspect d’une gastro-entérite à type cholériforme : aux vomissements douloureux, alimentaires puis bilieux et sanguinolents, s’ajoutent les coliques, la diarrhée, abondante, séreuse, à grains riziformes, la soif, très vive, la constriction de la gorge, l’anurie, les crampes, les pétéchies. Le refroidissement des membres, l’hypothermie, la fréquence, la faiblesse et l’irrégularité du pouls aboutissent au collapsus en quelques heures ou 24 heures.

 

2- Forme aigue

Les accidents débutent, une ou deux heures après l’ingestion du toxique, par les troubles gastro-intestinaux accompagnés d’une sensation de brûlure, de soif ardente et de ptyalisme ; les urines sont rares et souvent albumineuses ; le subictère apparaît.

Vers le 3ème ou 4ème jour, une rémission des symptômes, temporaire et trompeuse, se produit ; ensuite, les éruptions cutanées et les troubles cardiaques (lipothymies, refroidissement des extrémités) indiquent une aggravation, de mauvais augure, de l’intoxication.

La mort survient par collapsus cardiaque (dégénérescence graisseuse du cœur), au bout de 6 à 10 jours.

Dans le cas de guérison, la convalescence est longue ; elle est troublée par la persistance de troubles digestifs atténués et surtout par la survenance de la polynévrite ou d’une néphrite chronique ; enfin le cœur peut céder brusquement.

3- Forme subaiguë

Ou à rechutes, se distingue par la succession des améliorations et des rechutes qui peuvent durer plusieurs mois, par suite de l’administration de doses répétées et espacées. A chaque rechute, il y a reprise des nausées, vomissements, de l’anorexie avec soif vive, alternances diarrhées constipations, des troubles nerveux (douleurs, engourdissements, picotements, crampes des extrémités, hyperesthésie et faiblesse des jambes), des éruptions cutanées, prurigineuses ou pigmentaires, avec chute de cheveux et déformation des ongles, de l’oppression avec gêne respiratoire, constriction de la gorge, parfois de la fièvre (38°), des hémorragies (épistaxis, purpura), de l’anémie… un tel polymorphisme symptomatique égare le diagnostic.

 

4- Forme chronique

Les premiers symptômes sont souvent d'ordre digestif: anorexie, nausées, diarrhée, amaigrissement. Mais, rapidement, les accidents cutanés deviennent prédominants: ce sont des érythèmes, des ulcérations, une hyperkératose palmo-plantaire, une mélanodermie, une alopécie en plaques, l'apparition de bandes de Mees, parfois la chute des ongles et des poils. Les muqueuses peuvent être le siège d'une kératoconjonctivite, d'une irritation des voies aériennes supérieures, voire de perforation et d'ulcération du septum nasal. Des atteintes hématologiques, avec leucopénie, éosinophilie, anémie souvent hypochrome, macrocytaire, thrombopénie modérée, ont été décrites. Si l'intoxication se prolonge, des troubles nerveux apparaissent. Ce sont: de l'asthénie, des polynévrites périphériques sensitivo-motrices aux membres inférieurs, qui peuvent se résumer à de vagues plaintes et qui au maximum associent paresthésies des extrémités, engourdissement, douleurs des membres, marche difficile, faiblesse musculaire prédominante au niveau de la loge antéro-externe des jambes et au niveau des extenseurs des doigts (main en griffe) et des orteils (pied en griffe) avec une atteinte électromyographique.

Une atteinte hépatique, avec possibilité de lésions dégénératives du foie conduisant éventuellement à la cirrhose, une fibrose portale provoquant une hypertension portale présinusoïdale et une atteinte rénale avec des lésions rénales se traduisant par une protéinurie et/ou hématurie et une insuffisance rénale chronique, sont rapportées.

Une atteinte cardiovasculaire peut conduire à des manifestations diverses: réactions vasospastiques périphériques entraînant un phénomène de Raynaud, acrocyanose, thromboangéite oblitérante ou encore la "maladie des pieds noirs" ou "blackfoot disease" évoluant vers la gangrène des doigts et des orteils, survenant jusqu'alors essentiellement en Amérique du sud et à Taiwan, provoquant une vasoconstriction due à la consommation d'eau de puits riche en arsenic.

Une recrudescence de cette maladie est à craindre en Europe, notamment en France, en raison de l'augmentation de la consommation de stupéfiants contenant de l'arsenic, particulièrement le cannabis très prisé par les jeunes occidentaux.

A l'électrocardiogramme, un allongement de l'espace QRS et de QT, un sous décalage de ST et/ou un aplatissement voire une inversion de l'onde T peuvent être retrouvés.

Quelques cas d'infarctus du myocarde ont été notés chez des sujets jeunes en rapport avec des sténoses coronaires non athéromateuses mais en rapport avec un épaississement fibreux de l'intima caractéristique. Des artériopathies de même nature sont suspectées chez des enfants en Argentine, dans une région où la teneur de l'eau en arsenic était très élevée.

Puis, des cancers peuvent se développer. L'arsenic est reconnu depuis longtemps, comme pouvant induire des néoplasies cutanées. Il peut également favoriser la survenue d'un cancer bronchique, le risque étant amplifié par le tabagisme (la fumée de tabac contient, entre autres, de l’arsenic), d'un angiosarcome hépatique et peut être d'autres néoplasies (vessie, rein, prostate...), sans preuve épidémiologique formelle.

Pour certains, l'apparition de lésions cutanées est un indicateur de risque d'apparition de néoplasie.

L'évolution est lente; elle peut aboutir à la cachexie et à la mort.

 

Description des signes cutanés en particuliers

 

L'intoxication chronique par de faibles doses répétées et prolongées d'arsenic inorganique est responsable d'un arsénicisme chronique, dont la symptomatologie est essentiellement dermatologique. Elle est reconnue depuis 1888, date à laquelle, Hutchinson démontra pour la première fois la relation existant entre la prise d'arsenic et l'apparition de lésions cutanées kératosiques et carcinomateuses.

 

 

Le délai d'apparition des lésions par rapport à la période d'intoxication va de quelques mois à quelques années, jusqu'à 20 ou 30 ans!

Localement, les projections d'arsenic peuvent être à l'origine d'une dermite orthoergique ou d'ulcérations douloureuses.

Par voie systémique, la première manifestation est une dépigmentation en gouttes.

Le signe le plus fréquent est la mélanodermie, décrite à la perfection par Robert Degos: "c'est une mélanodermie diffuse, de teinte brunâtre ou gris fer, prédominant aux parties couvertes (tronc). Sur le fond pigmenté "crasseux", se répartissent des taches plus foncées, à disposition parfois réticulée, et des taches achromiques, punctiformes ou lenticulaires, en "gouttes de pluie", donnant à cette mélanodermie un aspect bigarré très caractéristique".

Les plis et les aréoles mammaires sont atteints.

Il s'y associe une kératodermie palmo-plantaire évocatrice.

Elle peut être diffuse, de teinte jaune cireux, lisse ou desquamative, avec une bordure érythèmateuse, à la surface parsemée de petits bouchons cornés, d'excroissances kératosiques, les clous cornés arsenicaux, ou de dépressions cupuliformes.

 

Mais elle est quelquefois faite de lésions circonscrites, saillies verruqueuses disséminées sur les paumes et les plantes, mais aussi sur le dos des mains et des pieds, sur les doigts, et parfois sur les coudes, le cou ou le visage.

Ces lésions se caractérisent par leur persistance et leur potentiel dégénératif avec évolution possible vers des carcinomes baso-cellulaires, fréquente vers des carcinomes spino-cellulaires et maladie de Bowen.

On retrouve les lignes unguéales de Mees et une alopécie toxique diffuse.

Des oedèmes localisés, fugaces ou persistants, fermes, prenant plus ou moins le godet, ont été décrits au niveau du visage ou des pieds et des poignets par J. Beurey, en 1968.

 

Au fil des années, même jusqu'à 20 ou 30 ans après la période d'intoxication chronique, peuvent coexister:

- les kératoses arsenicales: se présentant cliniquement comme des kératoses pré-carcinomateuses (kératoses "séniles" ou, mieux, kératoses solaires ou actiniques), à la différence qu'elles apparaissent classiquement au niveau des paumes des mains et des plantes des pieds, et sur les parties couvertes du corps. Comme nous l'avons vu précédemment, ce sont des taches brunes, parfois érodées, plus souvent recouvertes d'un enduit kératosique, qui peut même être assez épais pour constituer une véritable corne cutanée.

- des lésions type maladie de Bowen, à d'autres endroits: plus qu'un état précancéreux, la maladie de Bowen représente un carcinome spino-cellulaire in situ, qui peut d'ailleurs conserver ce caractère intra-épithélial, sinon indéfiniment, du moins fort longtemps. Elle se présente sous forme de lésions discoïdes, plaques bien limitées rouges squameuses et croûteuses qui, au bout d'assez nombreuses années, peuvent s'ulcérer et devenir végétantes et, beaucoup plus exceptionnellement, donner des métastases.

- et bien souvent, ces lésions précancéreuses (mélanodermie, hyperkératose, maladie de Bowen), peuvent se compliquer ou s'associer à de multiples carcinomes baso- et spino cellulaires.

Les carcinomes baso-cellulaires dérivent des cellules basales de l'épiderme. Ils ne donnent que très rarement des métastases mais peuvent être responsables d'une destruction locale importante, leur évolution spontanée se faisant préférentiellement vers l'extension en surface.

La lésion élémentaire correspond à une perle basaliomateuse, lésion arrondie micronodulaire translucide et télangectasique.

Plusieurs aspects cliniques sont à distinguer:

* le type nodulaire, apparaît comme un nodule ou une papule de bordure irrégulière d'aspect opalescent ou perlé, portant une dépression centrale ou cratère. Des télangiectasies et une bordure ourlée cireuse peuvent être mises en évidence. Lorsque la lésion s'ulcère et devient croûteuse, elle prend l'aspect d'un ulcus rodens.

* le type superficiel ou pagétoïde, se reconnait par l'existence d'une plaque érythémateuse discrètement squameuse, eczématiforme, qui peut discrètement s'ulcérer et devenir croûteuse.

On retrouve un filet ourlé perlé au niveau de la bordure. Dans l'arsénicisme chronique, c'est ce type qui est le plus fréquemment retrouvé, et principalement au niveau du tronc.

* le type pigmenté ou tatoué, apparaît comme une plaque ou un nodule gris-bleu, aux reflets opalescents et perlés.

* le type cicatriciel ou sclérodermiforme, se présente sous la forme de plaque blanchâtre, atrophique, parfois discrètement ulcérée ou croûteuse, recouverte de télangiectasies. Il s'agit de la forme la plus difficile à traiter en raison de l'absence de limites nettes.

Les carcinomes spino-cellulaires ou épidermoïdes correspondent à une prolifération maligne des kératinocytes de l'épiderme ou des muqueuses malpighiennes orificielles buccales, anales ou génitales. Ils restent moins fréquents mais cependant plus agressifs, à croissance illimitée, susceptibles d'infiltration, de destruction et de dissémination métastatique, entraînant la mort en l'absence d'un traitement précoce adéquat.

Ils apparaissent préférentiellement, sur phototype clair, sur zones photo-exposées, débutant en premier lieu sur la tête et le cou, les extrémités supérieures et le tronc, et se présentent sous la forme de nodules fermes érythémateux lisses ou verruqueux en surface. L'hyperkératose peut être prépondérante. Les cancers peuvent entraîner une friabilité, des ulcérations cutanées et l'apparition de croûtes. A la phase où la tumeur est bien constituée et atteint 2 à 3 cm de diamètre, sa partie centrale se nécrose et c'est ainsi que se présente la forme la plus commune de ce cancer, une tumeur charnue ulcéro-végétante (ou "ulcus elevatum" par opposition au carcinome baso-cellulaire ou "ulcus rodens" plus érosif que proliférant), souvent friable et malodorante, mais généralement indolore.

 

 

5- Forme mixte

Dans l’intoxication chronique, professionnelle, provoquée par l’arséniate de plomb, on observe des manifestations de l’intoxication arsenicale (troubles digestifs, phénomènes polynévritiques, kératodermie palmo-plantaire, mélanodermie, irritation catarrhale des muqueuses respiratoires et oculaires, atteinte du foie) ou bien, associés ou non aux précédentes, des symptômes du saturnisme (douleurs abdominales, constipation, élévation de la tension artérielle, granulobasocytes, atteinte des reins.

C- Diagnostic paraclinique

1- Diagnostic toxicologique

Le diagnostic toxicologique peut reposer sur le dosage d'arsenic atmosphérique, sanguin, urinaire et le dosage d'arsenic dans les phanères, selon que l'intoxication arsenicale est professionnelle, criminelle, environnementale, aiguë ou chronique. Seules les valeurs admises comme normales à ne pas dépasser sont inscrites ci-dessous.

a- Arsenic atmosphérique

Essentiellement dosé dans les ambiances de travail, rentrant dans le cadre de la prévention des risques professionnels, il présente une valeur limite moyenne d'exposition à ne pas dépasser de 0,2 mg/m3.

b- Arsenic sanguin

Son dosage est plutôt utilisé dans les situations d'intoxication arsenicale aiguë ou récente. Sa limite normale est d'environ 10 fLg/!.

c- Arsenic urinaire

Son dosage est utilisé essentiellement dans la surveillance biologique de l'exposition professionnelle à l'arsenic; on peut y avoir également recours en cas d'intoxications récentes.

Chez le sujet non exposé, la concentration urinaire d'arsenic total est inférieure à 0,1 mg/!. Elle dépasse habituellement 1 mg/l au cours d'une intoxication aiguë.

Il est indispensable de séparer l'arsenic inorganique et ses dérivés mono- et diméthylés. Cela permet d'éviter de faux dosages positifs en cas d'alimentation riche en arsenic organique, très peu toxique, contenu dans les fruits de mer et certains poissons.

Chez des individus non exposés, le taux normal d'arsenic inorganique et de dérivés mono- et diméthylés est inférieur à 20 fLg/g de créatinine.

d- Arsenic dans les phanères

Son dosage est surtout utile en médecine légale et permet de dater l'intoxication arsenicale.

Selon les auteurs, sa teneur normale varie de 0,5 à 2,1 fLg/g de cheveux. En pratique, pour affirmer un arsenicisme, il faut retenir des chiffres supérieurs à 5 fLg/g de cheveux.

 

2- Prélèvements

a. Nature :

Sang périphérique, sang cardiaque, urine, contenu gastrique, bile, phanères (cheveux, ongles), viscères (poumons, cœur, rein, foie, cerveau).

b. Quantité :

- Pour les liquides : 5 mL

- Pour les phanères : 50 à 100 mg (pour les cheveux, 1 mèche équivalente à la section d'un crayon)

- Pour les viscères : 1 à 30 g

c. Nature du contenant :

- Sang : tube en verre avec héparine ou fluorure

- Urine, bile, contenu gastrique : tube/flacon

- Viscères : poudrier

- Phanères : enveloppe ou flacon

d. Renseignements utiles :

- date et heure des faits

- date et heure du décès

- mode de conservation du corps

- date et heure du prélèvement

- date et heure de réception des échantillons au laboratoire

- date et heure des analyses

e. Mode de conservation des échantillons souhaité :

4°C ou <-18°C

Pour les phanères : température ambiante

2- Aspects histopathologiques des lésions cutanées arsenicales

Les diagnostics de maladie de Bowen, considérée comme un carcinome spino-cellulaire insitu, et de carcinomes baso et spino-cellulaires doivent absolument être confirmés par la biopsie. Ceci n'est pas utile dans le cas des kératoses arsenicales, dans la mesure où elles n'ont pas un caractère suspect de malignité cliniquement.

Les kératoses arsenicales comportent une image histologique très voisine de celle des kératoses pré-carcinomateuses (ou actiniques), mais avec un grand nombre de cellules épidermiques dyskératosiques vacuolisées, à noyaux monstrueux (cellules en oeil de hibou) et sans sénescence du collagène dermique sousjacent. Les lésions sont surtout épidermiques: elles alternent avec des zones d'épiderme intact et respectent généralement la portion intra-malpighienne des annexes. Elles sont représentées par une hyperkératose irrégulière, parsemée de zones parakératosiques, qui envoie des prolongements coniques ou en vrille dans le corps muqueux dont les bourgeons interpapillaires sont souvent hyperplasiés et inégaux.

Cette hyperkératose peut être très importante et réaliser alors une corne cutanée.

La granuleuse est souvent épaissie sous les régions d' orthokératose mais manque sous les zones où les cellules cornées ont conservé leur noyau (parakératose).

La partie du corps muqueux qui correspond à ces zones parakératosiques comporte des atypies nucléaires et cytoplasmiques et un degré variable de désorientation cellulaire, ainsi que des images de dyskératose; elle est marquée essentiellement par une vacuolisation des cellules; cependant elle peut être amincie à l'extrême (forme atrophique) ou au contraire hypertrophique (forme acanthosique); elle est parfois creusée de fentes ou cavités qui sont surtout supra-basales, réalisant une forme acantholytique.

Les altérations cellulaires, qui rappellent plus ou moins une maladie de Bowen et que l'on retrouve parfois aussi sous la couche cornée orthokératosique, traduisent le caractère précarcinomateux de la lésion.

Généralement, les lésions épidermiques sont comme soulignées par un assez dense infiltrat du derme superficiel, qui est surtout lymphocytaire, mais qui peut aussi contenir quelques plasmocytes et éosinophiles.

- La maladie de Bowen, ou dermatose précancéreuse de Bowen, prend la désignation anatomo-clinique de "dyskératose lenticulaire en disque".

L'image histologique est très nette. L'épiderme est généralement épaissi, avec une hyperkératose souvent mais non obligatoirement parakératosique et une acanthose notable.

Celle-ci débute brusquement, en même temps que le corps muqueux prend un aspect plus ou moins anarchique ou anaplasique dû au fait que les cellules malpighiennes, plus nombreuses que normalement, plus foncées et souvent monstrueuses, ont perdu leur orientation habituelle, ce bouleversement architectural étant un symptôme de grande valeur ;

Mais le signe le plus évocateur est la différence souvent considérable de taille des éléments cellulaires et de leurs noyaux les uns par rapport aux autres, avec une forte augmentation du nombre des mitoses, l'ensemble de ces altérations réalisant la poïkilocarynose.

Un infiltrat lymphocytaire assez dense occupant le derme superficiel souligne ces lésions épidermiques que l'on retrouve parfois dans les follicules pileux, mais qui respectent généralement la portion intra-malpighienne des conduits sudorifères.

- Les carcinomes baso- et spino-cellulaires ont en commun le fait que le processus tumoral a franchi la membrane basale de l'épiderme et la jonction dermo-épidermique pour envahir le derme.

Le carcinome baso-cellulaire est formé de cellules ressemblant à celles de la couche basale de l'épiderme, dépourvues de ponts d'union, avec disposition palissadique en périphérie des amas tumoraux.

- Le carcinome spino-cellulaire, quant à lui, présente une architecture lobulée, ainsi dénommée parce que ses cellules ressemblent à celles du corps muqueux de Malpighi et sont munies de ponts d'union ou épines. Ce type de carcinome peut être différencié et kératinisant, aboutissant à la formation de globes cornés, ou indifférencié. Les formes les moins différenciées sont considérées généralement comme les plus malignes.

 

3- Examens radiologiques

Radiographie pulmonaire

A la recherche d'image suspecte de processus néoplasique broncho-pulmonaire pouvant être induit par l'arsenic.

Radiographie des maxillaires

A la recherche d'image de kyste maxillaire rentrant dans le cadre d'un Syndrome de Gorlin.

 

V- Diagnostic médicolégal

 

Une expertise médico-légale d’empoisonnement par l’arsenic ou ses composés, exige un travail de synthèse qui tient compte des données suivantes :

A- Commémoratif

Ce sont les informations fournies par l’enquête

B- Manifestations clinique

L’action toxique de l’arsenic et de ses composés retentit sur le tube digestif, sur la peau, sur le système nerveux, sur le foie, les reins, le cœur, et donne lieu aux manifestations pathologiques suivantes :

  • Les troubles gastro-intestinaux (entérotoxicose) sont accusés dans les formes aigues ; ils consistent en vomissements incessants accompagnés de soif vive, en coliques violentes suivies de diarrhée intense, abondante, liquide, jaunâtre ou cholériforme, parfois sanguinolente. Le foie, douloureux et débordant, manifeste encore sa souffrance par le subictère ou l’ictère.
  • Les éruptions cutanées précoces sont polymorphes, morbilliformes, scarlatiniformes ou d’aspect urticarien, et prurigineuses ; tardives, elles se présentent sous forme de taches puis de placards, cuivrés, bruns ou noirs de mélanodermie, localisés surtout au cou, aux aisselles, au ventre, aux plis de flexion, aux régions comprimées et autour des organes génitaux ; la kératodermie palmo-plantaire est une autre forme chronique.
  • Les troubles nerveux sont essentiellement représentés par la polynévrite sensitivo-motrice arsenicale. Elle débute par des paresthésies (fourmillements, engourdissements, hyperesthésies des extrémités) ; puis, les troubles moteurs apparaissent d’abord aux membres inférieurs. La paralysie (qui frappe les muscles extenseurs et en premier lieu l’extenseur commun des orteils) ne tarde pas à provoquer de la fatigue, des troubles de la marche, le dérobement des jambes puis l’impotence complète ; elle ensuite aux muscles des avant-bras. L’anesthésie reste localisée aux extrémités ; les réflexes achilléens et rotuliens sont abolis et les muscles s’atrophies.
  • Ces trois signes représentent la triade symptomatique de l’intoxication arsenicale.
  • Les atteintes rénales et cardiaques par le poison se signalent par l’oligurie, avec ou sans albuminurie, ou l’anurie, et par des troubles circulatoires (petitesse et irrégularité du pouls, hypotension, lipothymie et syncope).
  • La fièvre est inconstante.
  • Les symptômes gastro-intestinaux, rénaux et cardiaques réalisent l’intoxication aigue ou subaiguë, tandis que la polynévrite se rencontre dans les intoxications massives ou répétées ; les manifestations cutanées tardives s’observent dans les formes lentes et chroniques.

 

C- Constatations anatomopathologiques et nécropsique

L’arsenic a une action locale irritante et caustique ; de plus, il altère le parenchyme des divers organes (foie, reins, cœur) qu’il frappe de dégénérescence granulo-graisseuse.

Dans les formes suraiguës, il y a prédominance de lésions –non constantes- de gastro-entérite aigue : à l’autopsie, on retrouve une rougeur diffuse avec tuméfaction de tout le tube digestif.

La muqueuse gastrique présente des zones de congestion très intense et est recouverte d’un mucus épais, souvent sanguinolent ; parfois on peut retrouver de très petits fragments d’anhydride arsénieux à peine visibles, mais seulement perceptibles au toucher ; ces grains minuscules sont logés dans les replis de la muqueuse qui est à ces endroits plus rouge encore qu’ailleurs et ecchymosée. Les escarres sont exceptionnelles ; la muqueuse intestinale est épaissie, soulevée par l’œdème de la sous muqueuse ; dans le grêle se trouve des matières riziformes, grains blancs constitués par des débris épithéliaux. Ces lésions du tube digestif peuvent totalement disparaître quand la mort ne s’est pas produite qu’après quelques jours.

L’intoxication aigue ou subaiguë fait apparaître des signes de dégénérescence cellulaire :

- Dégénérescence graisseuse du foie et du myocarde ;

- Dégénérescence épithéliale des reins ;

- Hémorragies capillaires dans les centres nerveux.

Signes de déshydratation intense : enophtalmie, faciès ridé, abdomen en bateau.

L’arsenic retarde la putréfaction. Témoin incorruptible, il reste indéfiniment présent dans le cadavre.

L’arsénicisme chronique provoque les lésions suivantes : ulcérations de la muqueuse gastrique, dégénérescence périportale d’hépatite toxique, dégénérescence granuleuse de néphrite toxique, dégénérescence graisseuse du cœur, névrite périphérique parenchymateuse segmentaire, lymphocytose modérée.

 

 

VI - Classification médicolégale

Les intoxications arsenicales peuvent être :

1. Criminelles : individus ou animaux empoisonnés par l’anhydride arsénieux ; cette « poudre de succession », de vente courante sans saveur marquée, est facilement mélangée aux aliments.

2. Médicamenteuses : au cours du traitement arsenical ou après un pansement dentaire arsenical.

3. Alimentaires : vins souillés par les insecticides arsenicaux ; bonbons colorés ou enveloppés se papiers teintés avec des couleurs arsenicales ; bières arséniées accidentellement par des malts préparés avec de l’acide sulfurique impur ; salades arrosées fortuitement par une solution d’arséniate de plomb pendant le traitement du doryphore ; gâteaux saupoudrés par erreur avec de l’anhydride arsénieux…

4. Accidentelles : poudre de « mort aux rats » confondue avec de la farine ou du sucre ; séjour dans une pièce humide garnie de papiers peints aux couleurs arsenicales que les moisissures ont décomposées.

5. Professionnelles : chez les vignerons, les aérostiers, chez les ouvriers manipulant les minerais arsenifères, les papiers peints, les fleurs artificielles ou occupés au tannage, au mégissage au sulfure d’arsenic, à la naturalisation des animaux empaillés, au blanchissage du linge et aussi chez les verriers, les laqueurs, les dockers et les peintres qui utilisent des peintures imputrescibles pour la coque des navires.

6. le suicide par l’arsenic est rare.

VII - Prélèvements et dosage toxicologie.

1. Prélèvements :

a- Nature : sang périphérique, sang cardiaque, urine, contenu gastrique, bile, phanères (cheveux, poils, ongles), viscères (poumons, cœur, cerveau, rein, foie).

b- Quantité :

- Sang périphérique et cardiaque, bile et contenu gastrique : 5 ml.

- Urine : 10 ml.

- Viscères : 1 à 30 gr.

- Cheveux, poils : une mèche équivalente à la section d’un crayon.

c- Nature du contenant :

- sang périphérique : tube verre avec héparinate ou fluorure Na.

- Bile, contenu gastrique et urine : flacon.

- Viscères : poudrier.

- Cheveux, poils : enveloppe ou flacon.

d- Mode de conservation : 0 à 8°C ou congelé (< -18°C).

2. Toxicologie analytique :

- Dans un premier temps, on réalise, par la méthode sulfo-nitrique d’Armand Gautier (anciennes méthodes d’après C.SIMONIN) , la destruction de la matière organique sans la moindre perte d’arsenic ; celui-ci se trouve oxydé et rendu soluble dans l’eau ; on le transforme ensuite en sulfure d’arsenic puis en acide arsénique sur lequel s’opère le dosage.

- Le chimiste utilise à cet effet, soit l’appareil de Marsh, soit la méthode de Cribier. Dans les deux méthodes, l’arsenic est réduit, par l’hydrogène naissant, à l’état d’hydrogène arsénié. Celui-ci, entraîné dans un tube de verre, est décomposé par la chaleur, et l’arsenic métalloïdique se dépose le long des parois d’un tube de quartz en formant un anneau brillant. Le dosage s’effectue ensuite par pesées ou à l’aide de témoins.

- On bien, l’hydrogène arsénié se combine au sublimé qui imprègne une bande de papier-filtre sur laquelle il se forme, après révélation et fixation par l’iodure de potassium, une tache brun-orangé dont l’étendue et l’intensité sont proportionnelles à la quantité d’arsenic contenu dans l’échantillon soumis à l’analyse.

- Méthodes de dosage de l’arsenic total (méthodes modernes) :

  • Spectrométrie d’absorption atomique (SAA) ;
  • Spectrométrie d’émission atomique couplée à une torche à plasma (ICP/AES) ;
  • Spectrométrie de masse couplée à une torche à plasma (ICP/MS).

- Pièges à éviter :

  • Faire le prélèvement avant l’administration de produits complexant l’arsenic.
  • Dans le cas d’un contrôle d’exposition chronique à l’arsenic, demander l’arrêt de la consommation de poisson et crustacés pendant les 10 jours précédant les prélèvements biologiques.

3. Interprétation des résultats :

* Concentrations physiologiques :

- Le taux d’arsenic dans le sang est < 100µg/L.

- Urines < 50 à 100µg /L ou < 10µg/g de créatinine.

- Cheveux < 100 à 250ng/g voire 1000ng/g.

* Concentrations toxiques :

- sang > 100 à 250µg/l - urines> 200 à 500µg/l - cheveux > 1000 à10000ng/g.

 

 

VIII- Quelques cas d’intoxication à l’arsenic dans l’histoire

Victimes célèbres supposées empoisonnées :

 

  • François Ier de Médicis, Grand Duc de Toscane

 

Des preuves médico-légales récentes découvertes par des scientifiques italiens suggèrent que François Ier de Médicis, grand-duc de Toscane et son épouse ont peut-être été empoisonnés par le frère et successeur du duc, Ferdinand Ier de Médicis10.

 

  • George III de Grande-Bretagne

 

Le roi d’Angleterre George III (1738 - 1820) a eu des problèmes de santé tout au long de son long règne. Il souffrait périodiquement d’épisodes de maladie se manifestant par des manifestations physiques ou mentales dont cinq d'entre eux l’ont suffisamment incapacité pour le contraindre à interrompre ses fonctions royales. En 1969, les chercheurs ont affirmé que les épisodes de folie et les autres symptômes physiques étaient consécutifs à une maladie connue sous le nom de porphyrie, qui a été également identifiée chez plusieurs membres de sa famille proche et éloignée. En outre une étude réalisée en 2004 sur des échantillons de cheveux du roi11 a révélé des niveaux extrêmement élevés d’arsenic qui pourraient expliquer le déclenchement des symptômes de la maladie. Un article de 2005 de la revue médicale The Lancet12 a suggéré que la source d'arsenic pourrait être l’antimoine utilisé dans le traitement médical suivi par le roi. Les deux minéraux sont souvent trouvés dans les mêmes terrains, et les méthodes d'extraction minière de l'époque n'étaient pas assez performantes pour purifier les composés d'antimoine de leurs impuretés d'arsenic.

 

  • Napoléon Bonaparte

 

Il existe une théorie selon laquelle Napoléon (1769 - 1821) aurait été victime d’un empoisonnement par l'arsenic qui aurait causé sa mort au cours de son emprisonnement sur l'île Sainte-Hélène. L’analyse d’échantillons de ses cheveux a montré qu’ils présentaient un niveau élevé de l'élément toxique, 13 fois la quantité normale. Toutefois, cela n’apporte pas la preuve d'un empoisonnement délibéré par des ennemis de Napoléon : l’arsenite de cuivre était utilisé comme pigment dans certains papiers peints et la libération d'arsenic dans l'environnement immédiat serait possible. L'affaire est équivoque, en l'absence d’échantillons de papier peint clairement authentifiés. Comme le corps de Napoléon a reposé près de 20 ans dans une tombe sur l'île, avant d'être transféré dans sa dernière demeure à Paris, l'échantillon pourrait également avoir été contaminé par l'arsenic du sol. Même en l’absence de pollution provenant du papier peint ou du sol, l'usage de l'arsenic était tellement répandu à l'époque qu’il existait de nombreuses autres voies par lesquelles Napoléon pourrait avoir absorbé suffisamment d'arsenic pour laisser une trace détectable par les examens de médecine légale.

 

  • Charles Francis Hall

 

L’explorateur américain Charles Francis Hall (1821-1871) est décédé de façon inattendue au cours de sa troisième expédition dans l’océan Arctique : l'expédition Polaris. Après son retour à bord du navire après une expédition en traîneau Hall avait bu une tasse de café et était tombé violemment malade. Il s'est effondré et a présenté ce qui a été décrit comme une attaque. Il a souffert de vomissements et d’un délire pendant la semaine qui a suivi, puis son état a semblé s'améliorer au bout de quelques jours. Il a accusé plusieurs personnes de la compagnie maritime, y compris le médecin du navire, le Dr Emil Bessels (en) avec lesquels il avait des différends de longue date, de l’avoir empoisonné. Peu de temps après, il a recommencé à souffrir à nouveau des mêmes symptômes, est mort, et a été amené à terre pour y être enterré. Après le retour de l'expédition, une enquête de la marine des États-Unis conclut que Hall était mort d’apoplexie.

En 1968, toutefois, le biographe de Hall, Chauncey C. Loomis (en), professeur au Dartmouth College, se rendit au Groenland afin d'exhumer le corps de Hall. En raison du permafrost, le corps de Hall, enveloppé dans un drapeau, ses vêtements et son cercueil ont été remarquablement bien conservés. L’analyse des échantillons de tissus osseux, des ongles et des cheveux a montré que Hall était mort d'une intoxication par de fortes doses d’arsenic absorbées au cours des deux dernières semaines de sa vie, ce qui était compatible avec une partie des symptômes signalés par les membres de l’expédition. Il est possible que Hall se soit empoisonné lui-même avec les médicaments d’un charlatan contenant le poison, mais il est plus probable qu'il a été assassiné par le Dr Bessels ou l'un des autres membres de l'expédition.

 

  • Huo Yuanjia

 

Huo Yuanjia (1868 - 1910) fut un champion d’art martial chinois. Il circula une rumeur selon laquelle il aurait été empoisonné en 1910 au cours d’un combat avec les Japonais, qui accusaient la Chine et les chinois d'être l’"homme malade de l'Asie". En 1989 des scientifiques-criminologistes chinois ont autopsié le corps et ont trouvé dans l'os de l'arsenic, ce qui fait de lui une victime par empoisonnement à l'arsenic.

  • Clare Boothe Luce

Un cas plus récent d'empoisonnement par l'arsenic est celui de Clare Boothe Luce13, (1903 - 1987) ambassadeur des États-Unis en Italie de 1953 à 1956. Même si elle n'est pas décédée des suites de son intoxication, elle a souffert d'un nombre croissant de symptômes physiques et psychologiques jusqu'au diagnostic d’un empoisonnement par l'arsenic, dont la source s’est révélé être la vieille peinture écaillée, chargée d’arsenic recouvrant le plafond de sa chambre à coucher. Une autre source explique son intoxication comme résultant d’une consommation d’aliments contaminés par des écailles de peinture provenant du plafond de la salle à manger de l’ambassade.

  • Peintres impressionnistes

L’arsenite de cuivre (vert émeraude), un pigment fréquemment utilisé par les peintres impressionnistes, est fabriqué à base d'arsenic. Paul Cézanne a développé un diabète sévère, qui est l’un des symptômes de l'empoisonnement chronique par l'arsenic. La cécité de Claud

Intoxication arsenicale
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
Très instructif avec des informations fascinantes. Mais aussi après réfléchie. Artists that are exposed to toxic painting pigments every day for their entire life, does this increases the risk of getting high levels of arsenic?<br /> <br /> It's amazing how many chemical properties have developed so far that can be used for good (or for bad) purposes. Assuming that it is properly regulated by specialists, and under the government control and to work closely with professional scientists not government well-being initiatives on public sector issues. Because if the government is a consultant, you will always be uninformed.
Répondre
B
interessant !
Répondre